On dit toujours que le premier enfant est le brouillon. Mastodon.social semble renvoyer ce vieil adage dans la bouille de son aîné Twitter.
Après un lancement quasiment invisible en octobre et une promotion sur Twitter pendant plusieurs mois, le petit frère de Twitter est la nouvelle star montante des réseaux sociaux. Diplômé de l’Université Friedrich Schiller d’Iena en Allemagne, Eugene Rochko est un jeune programmeur de 24 ans à l’origine de ce nouveau réseau social à la croissance exponentielle. En seulement quelques jours, le nombre d’inscrits a augmenté de 73% selon The Verge.
Mastodon, la nouvelle génération des réseaux sociaux est-elle arrivée ?
Déjà surnommé le “pachyderme” sur internet – parce qu’il faut bien trouver un nom d’oiseau à chaque réseau social – Mastodon.social naît à un moment où Twitter s’essouffle. Depuis 2014, le nombre d’inscriptions par mois est en stagnation et les tweets en chute libre. La raison ? L’arrivée de Snapchat et Instagram a brisé la branche bien confortable sur laquelle était posé l’oiseau. Plus lisibles, faciles et plus enclins à créer un effet de communauté, ces deux réseaux sociaux ont su séduire toutes les générations qui boudent de plus en plus Twitter.
Certes, cela fait bien quatre ans qu’on anticipe sa mort, pourtant Twitter est toujours là. Les prochains mois vont donc être intéressants car on verra quelles seront les réponses du réseau de Jack Dorsay face à l’éclosion de Mastodon : rachat (comme vine ou Periscope), nouvelles features, indifférence…?
Hacker Twitter, un pari gagnant ?
Eugene Rochko compte “apprendre des erreurs de Twitter” en ne gardant que le meilleur et en misant sur un réseau qui se veut plus authentique.
On reste dans l’esprit microblogging (contenu écrit limité) permettant aux utilisateurs de poster de courts messages publics nommés “pouets” ou “toots” (en anglais). Mais contrairement à Twitter et ses messages de surface limités à 140 caractères, Mastodon élargit la limite à 500 caractères permettant un vrai dialogue, selon les 40 000 first time users.
Pour plaire, le pachyderme mise sur des outils qui ont déjà fait leur preuve. Son interface se veut familière et efficace et s’inspire de Tweetdeck, un logiciel permettant de gérer plusieurs comptes Twitter. L’idée est simple : chaque colonne présente le fil d’actualité, les favoris, les messages privés ainsi que les listes d’un compte Twitter. Mastodon propose une colonne feed, une colonne notification, une colonne messages et une dernière qui est personnalisable. Le retweet devient un boost, c’est à dire reposter un « pouet » d’un autre utilisateur.
Au niveau des pseudos, Mastondon effectue un copier-coller en reprenant les handles (@) permettant d’être identifié et notifié. Idem pour le système de Followers et Following.
Ce qui change est, qu’à l’inverse de Twitter ou Facebook, Mastodon n’a pas recours à un algorithme avantageant une publication face à une autre dans le fil d’actualité. Les messages s’affichent de manière chronologique. Restons méfiants sur ce point car il ne faut pas oublier que tous les autres réseaux sociaux ont débuté de la même manière. Là où on est plus enclin à croire Mastondon, c’est par rapport aux déclarations de son fondateur souhaitant créer le premier réseau « open source » . Mastodon c’est donc le parti du no censuring en bannissant les algorithmes.
Pourquoi aurions-nous besoin d’un énième réseau social ?
Pour les réfractaires qui considèrent les réseaux sociaux comme des machines qui pompent nos données personnelles pour les revendre, sachez que Mastodon se veut l’alternative des plateformes commerciales et repose sur le principe de la décentralisation (le premier réseau social blockchain ?).
Mastodon est un logiciel open-source pouvant être installé sur ordinateur et modifié par chaque utilisateur, sans qu’une entreprise ne contrôle quoi que ce soit. Un utilisateur peut créer sa propre “instance” (ou site) : si un fan de pêche décide de faire une instance de pêche à la truite, libre à lui de personnaliser celle-ci comme il l’entend et d’y accueillir des milliers de passionnés.
Pour faire partie d’une instance, il suffit de s’y inscrire et les messages apparaîtront automatiquement dans le fil d’actualité de l’utilisateur. Eugene Rochko a mis un point d’honneur à faire en sorte qu’il soit possible de communiquer d’une instance à l’autre afin de fédérer toutes les communautés de Mastodon.
Il faudra rester patient malgré tout car certaines instances de Mastodon sont actuellement saturées.
Mastodon.social, un nom à retenir ?
Mastodon déborde de bonnes intentions : réseau social libre, gratuit, open-source et décentralisé. Il veut frapper Twitter là où ça fait mal en s’attaquant à l’insécurité des informations personnelles, au cyber-harcèlement, aux trolls, aux fake news, à la censure, etc…
Son interface alléchante mais complexe – car la création d’instances nécessite un minimum de connaissances informatiques – est à la fois novatrice et problématique. Novatrice car l’utilisateur fait l’expérience d’une véritable liberté. Problématique car l’intérêt d’un réseau social est son côté pratique. Or Mastodon est un peu plus technique pour ceux qui souhaitent créer leur instance.
Malgré cette part d’ombre, Mastodon pourrait être intéressant pour la Culture car plusieurs instances dédiées à l’Art pourraient former une véritable communauté et promouvoir des événements culturels aussi bien amateurs que professionnels sur le même pied d’égalité. Les 500 caractères vont aussi permettre de créer du contenu réfléchi, pertinent et intéressant.
Par Mathilde Cannarella