Présentation
Le New Museum (ou « Le Nouveau Musée d’Art Moderne ») est un musée emblématique de New-York. Ce musée, ou plutôt ce « concept », fut créé en 1977 par Marcia Tucker, critique, curatrice et historienne de l’art américaine disparue en 2006. Dans les années 70, elle souhaitait créer un lieu dédié à l’art qui n’accueille que des artistes vivants, n’ayant jamais ou très peu exposé, et venant de tous les continents. L’idée était également que les collections soient renouvelées régulièrement. Elle souhaitait même se débarrasser des collections permanentes de façon systématique tous les dix ans. Bref, le New Museum avait donc pour but d’être l’anti-musée par excellence ; l’institution qui dit non à toute institutionnalisation.
Malgré les volontés de la curatrice, les collections ne furent jamais renouvelées comme à son souhait. En 2000, le musée accepta sa première donation d’œuvres d’art, depuis ses collections restent … permanentes. Aujourd’hui il compte environ un millier d’œuvres. Quant aux expositions temporaires, elles s’enchaînent avec une nouveauté par mois ; tout au moins dans les espaces qui leur sont dédiés. Cependant, on ne peut pas nier le fait que le New Museum soit tout de même assimilé à une image de renouveau permanent car il s’agit d’une institution originale, voire précurseur dans certains domaines, dont le digital.
THE FARM revient pour vous sur les aspects innovants du New Museum dont chaque lieu d’expo, qui se veut en avance sur son temps, devrait s’inspirer. Analyse.
Le bâtiment
Ne se situant à l’origine que dans des locations d’étages d’immeubles, le New Museum est aujourd’hui un seul et même bâtiment principal de 7 étages, situé en plein Manhattan, datant de 2007 et imaginé par un duo d’architectes japonais: Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa. Il est considéré comme une véritable prouesse architecturale et est même désigné comme l’une des 7 nouvelles merveilles du monde par le Conde Nast Traveler* en 2008. Le bâtiment est une oeuvre à part entière, et l’équipe de communication de New Museum l’a bien compris : elle a notamment su ré-emprunter sa forme particulière, devenue un emblème de New-York et de l’art contemporain.
Innovations
L’une des volontés du New Museum est de ne pas se résumer à un seul et même bâtiment qui n’accueillerait que des collections permanentes et des expositions temporaires, mais bien à un bâtiment pluridisciplinaire. Le New Museum est une institution ayant sous sa tutelle deux incubateurs et un programme dédié à l’art hors-les-murs. Des concepts qui sont bien évidemment mis en valeur sur leur site et sur les réseaux sociaux.
– Le New Inc
Fondé en 2014, le New Inc (pour New Incubator) est le premier incubateur géré par un musée. Son action s’étend dans tous les domaines de l’art, du design et de la technologie. Chaque année, une centaine de membres intègrent le bâtiment de près de 2500 m2 (situé à coté du New Museum) pour y développer leurs travaux ou idées dans un cadre créatif et entourés d’une équipe d’experts. Pendant 12 mois, de septembre à août, ils sont ainsi « pris en charge » et confrontés à des thèmes comme le changement de l’art et de la culture avec les nouvelles technologies ou encore initiés au peer-to-peer.
Le New Museum réalise grâce à cette initiative une mise en valeur de son avance par rapport à des thèmes tels que le numérique dans l’art. La catégorie « Initiatives » du site web du New Museum contient une page dédiée à ce programme. Le musée dispose également d’un site web propre aux projets, par exemple :
– Ideas City
C’est le projet visant à la « diffusion » de l’art pour le New Museum. IdeasCity fut créé en 2011 en partant du principe que l’art et la culture sont des atouts partout où ils sont. Le projet agit sur des cycles de deux ans. Lors de ces cycles, trois villes du monde sont choisies pour accueillir des conférences ainsi qu’une résidence d’artistes. Le tout aboutit sur des projets permettant de promouvoir l’éclectisme artistique.
– Rhizome
Rhizome, qu’est ce que c’est ? C’est un programme mis en place dès 1996 pour mettre en valeur l’art numérique et la culture, affilié dorénavant au New Inc. Ce n’est autre qu’un incubateur (lui aussi) sous la tutelle du New Museum qui accueille uniquement des projets liés à l’art numérique et à l’art dans le numérique.
Le New Museum online – Le site Web
Avec toutes ces innovations, le musée se devait également de montrer son avance sur le web. Qu’en est-il donc de leur propre site ?
Un site clair, des infos précises et directes, un footer compréhensible et efficace. Sûrement rien à redire concernant le site du New Museum. Il est sûr que ce dernier se veut en accord avec l’image que souhaite véhiculer l’institution : rien de vieux, tout est neuf. Il semblerait qu’au moins une personne soit dédiée à cela dans leur service.
On peut y voir dès la page d’accueil : un header avec tous les liens nécessaires pour trouver des infos sur le New Museum, un slider aux lettres majuscules percutantes et de nombreux visuels des expositions, des artistes et des lieux dès la première page. En clair : on en prend plein la vue. Toutes les informations sont accessibles en moins de deux clics, que ce soit pour savoir comment s’y rendre ou pour trouver ce que l’on peut y voir ou faire etc…
– Mise en valeur de la charte graphique
S’il y a bien une chose que l’on retient du New Museum, c’est son architecture. Les webdesigners l’ont bien compris et utilisent cet emblème architectural afin de représenter et d’identifier le musée par son logo. Celui-ci est partout sur le site mais également sur les visuels mail et papiers (affiches, cartes d’adhésions etc.). La charte graphique est également très inspirée de la typographie des années 70 avec sa police carrée, ses couleurs vives. Efficacité et peut-être même un chouia d’agressivité : tel est le moto du New Museum. Et ça marche.
Qu’a-t-on aimé d’autre?
– About
Une partie entière du site du New Museum est consacrée à ses valeurs, son histoire, sa mission et l’importance de son bâtiment qui se veut être un véritable écrin pour l’art contemporain, « a leading destination for new art and new ideas ». Rien que ça.
– Adhésion en ligne
Le musée propose une adhésion qui peut s’apparenter à une carte de fidélité. L’argument principal : être membre permet de ne rien rater de la programmation. À hauteur de 50 à 1000 dollars, on accède au musée sans faire la queue, youpi ! Mais c’est surtout l’aspect « networking » des soirées organisées avec les membres qui est mis en valeur.
– Les archives
Une très interessante initiative du New Museum : mettre à disposition de façon gratuite et illimitée leurs archives directement en ligne. Ainsi, en vous rendant sur « ARCHIVES », vous pourrez avoir accès à plus de 6000 images de leurs expositions, des descriptions de ces dernières, des publications mais aussi près de 7500 témoignages écrits ou audios de près de 4000 artistes, curateurs et organisations associées au New Museum.
– Mailing
En ce qui concerne le mailing, dès votre inscription à la newsletter, vous devez signifier ce que vous préférez recevoir. Vous avez le choix : des infos générales, des dates d’expositions ou d’évènements, des informations sur les programmes familiaux ou sur les programmes pour les écoles et les ados. Vous pouvez également recevoir des informations sur le New Inc, sur la boutique du musée ou encore sur l’adhésion. Bref, une sorte de Newsletter à la carte où l’on ne choisit QUE ce que l’on veut recevoir ; c’est pratique et c’est une idée à emprunter sans hésiter ! Dans les faits ? Après s’être inscrit à un mois de newsletter complète avec toutes les catégories, il faut tout de même avouer que ce que l’on reçoit le plus fréquemment dans sa boite mail, ce sont les news… de la boutique ! Cependant, il y a une autre catégorie de mails qui peut être très utile à recevoir : les « last days » qui vous signalent lorsqu’une exposition est sur le point de finir, une sorte de reminder très utile donc, mais seulement si l’on habite sur place ! On peut donc déplorer le fait de ne pas recevoir de mails qui vous rappellent les anciennes expositions ou alors qui vous donnent accès à des interviews d’artistes exposant en ce moment au New Museum.
– Réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux, le New Museum est présent sur Facebook, Twitter, Instagram, Youtube et Tumblr ! Une large présence sur tous les réseaux pertinents lorsque l’on a du contenu visuel à diffuser. Juste que là rien à déclarer.
On aime aussi : les descriptions Instagram (un peu) à rallonge mais sous forme de mini-articles qui reviennent davantage sur une oeuvre ou un artiste. Si la com Instagram est intéressante, on peut toutefois noter que Facebook, Twitter et Youtube ne sont pas forcément des exemples à suivre…
– Sur Facebook, la plupart des posts sont classiques, présentant des expositions, des évènements mais ne les mettant pas forcément en valeur. On peut déplorer qu’il y ait sur certains posts peu de texte, quoique cela tende à s’améliorer.
– Sur Twitter, classique pour une institution muséale : des retombées presse, des informations, et des RTs de visiteurs…
– Sur Youtubeb, 1673 abonnés pour 30 vidéos, principalement des conférences qui n’ont que peu de succès. En revanche, bon point concernant leurs trailers d’exposition à la réalisation léchée mettant en avant les artistes et le bâtiment (encore).
– Le New Museum face aux trolls
Qui dit grosse institution et succès en ligne dit problème à l’entrée. Des queues parfois interminables, des évènements qui paraissent bien mondains et inaccessibles au public… Les déçus se lâchent en devenant de véritables trolls sur les réseaux sociaux notamment sur la page Facebook où ils peuvent laisser un avis.
Aller plus loin : la comparaison New Museum / Centre Pompidou
On ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre le New Museum et le Centre Pompidou. Créés il y a 40 ans tous les deux, ce sont des icônes de l’art contemporain. Ils sont tous deux implantés au cœur des quartiers arty de leur ville respective et résultent d’une volonté d’émancipation de l’art, qui à la fin des années 70 était calfeutré dans de grandes institutions poussiéreuses.
– Les bâtiments
Ces « lieux de vie » ont tous les deux une particularité qui leur est commune, leur bâtiment. Ces derniers sont des espaces accueillant en leur sein bien plus qu’un musée : boutiques, librairies, cafés, salles de projection, et même projet pédagogique (les incubateurs pour les New Muséum et l’IRCAM, l’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique pour le centre Pompidou). Alors, même si leur principale fonction est d’exposer leur collection permanente et des expositions qui font à chaque fois grand bruit, ils ont tous deux eu pour mission d’aller au delà et c’est réussi. Il y a fort à parier que si l’on demandait aux visiteurs de ces deux lieux respectifs comment ils les définiraient, ils répondraient tout sauf « musées ». Posez-vous, vous aussi, la question ; il est très difficile de mettre une étiquette sur ce genre d’institution et c’est ce qui fait leur force.
Le bâtiment en lui-même a aussi une caractéristique commune, leur architecture. Problématique au départ (ils ont tous les deux provoqué le débat lors de leur construction), les bâtiments sont aujourd’hui indissociables de l’image que l’on se fait des deux musées. Que ce soit le New Museum ou le Centre Pompidou, ils ont tous deux su profiter de leur architecture pour les définir et même se rendre reconnaissable. Ils en ont d’ailleurs fait leur logo.
– La communication digitale
Pour ce qui est de la communication digitale, les deux musées ont un but précis : garder cette image novatrice d’institution précurseur sur le web. Seulement voilà, il existe bien des différences entre les deux musées dans ce domaine et, en les analysant, il en résulte que le centre Pompidou devrait emprunter quelques idées au New Museum.
Tout d’abord, concernant le site. Le Centre Pompidou semble ne pas apporter autant d’importance à son site que le New Museum. Pourquoi ? Ce dernier est simple, ne contient pas d’animations particulières et pourrait même être jugé simpliste. Par contre, on ne peut pas nier le fait que ce dernier (contrairement au New Museum) propose plusieurs langues aux visiteurs. À noter également que le Centre Pompidou met lui aussi à disposition de ses internautes des archives d’expositions et notamment de nombreux visuels.
Concernant les réseaux sociaux, on fait face à beaucoup de similarités du côté du Centre Pompidou quoi que l’on pourrait penser que ce serait le bâtiment qui lui aussi serait le plus repris, notamment pour Instagram. Et bien non, il faut croire que l’exposition Cy Twombly a eu plus de succès, notamment avec la photo d’un enfant devant un tableau : c’est toujours du like assuré.
On constate également que le Centre Pompidou joue la carte du 3 par 3 sur Instagram, contrairement au New Museum : effet léché vs. effet fouillis pour le New Museum, deux styles différents aussi efficaces l’un que l’autre.
Concernant Facebook, là aussi on est sur des choses similaires et classiques avec, à noter, tout de même une capacité quasi-robotique à créer des évènements Facebook pour le Centre Pompidou. Et, qui dit évènement Facebook dit bonne visibilité et publicité gratuite pour une institution.
HAPPY 40’ AU NEW MUSEUM ET AU CENTRE POMPIDOU
Eléanore Boutrois