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Le Mori Art Museum de Tokyo consacre en 2025 une vaste rétrospective à Sou Fujimoto, figure majeure de l’architecture japonaise contemporaine.

Intitulée The Architecture of Sou Fujimoto: Primordial Future Forest, l’exposition retrace trente ans de création, de ses premières maisons transparentes à ses visions urbaines pour le XXIᵉ siècle, dont le spectaculaire “Grand Ring” de l’Expo Osaka 2025.

Plus qu’une rétrospective, c’est une méditation sur le destin de la civilisation : comment habiter le monde quand les frontières entre nature et culture, humain et technologie, se dissolvent ?

Rétrospective Sou Fujimoto, L'architecture comme forêt de civilisation. Photo : Tayama Tatsuyuki © Mori Art Museum

Les racines : Hokkaido, ou la mémoire de la forêt

Sou Fujimoto est né dans le nord du Japon, sur l’île d’Hokkaido, là où les forêts recouvrent la terre, là ou des territoires entiers sont encore préservés de la main de l’homme.

Enfant de cet espace protégé, Sou Fujimoto a grandi au milieu des arbres, du froid, du vent et du silence. Ce n’est pas un détail biographique, mais la matrice entière de son œuvre.

Car son architecture n’imite pas la nature — elle la prolonge.

Rétrospective Sou Fujimoto, L'architecture comme forêt de civilisation. Photo : Tayama Tatsuyuki © Mori Art Museum

Ce modèle du vivant est devenu la structure invisible du langage architectural de Fujimoto.

De House N à L’Arbre Blanc, de Musashino Art University Library à la House of Music Hungary, Fujimoto invente une continuité entre le bâti et le vivant.

La forêt est chez lui une ontologie.

Elle précède l’homme, elle le contient, elle l’invite à redevenir humble dans l’ordre du monde.

C’est là que se niche la racine spirituelle de ce que l’architecte nomme aujourd’hui son “Future Forest”, une architecture qui se souvient d’avant l’homme pour réinventer l’après.

Rétrospective Sou Fujimoto, L'architecture comme forêt de civilisation. Photo : Tayama Tatsuyuki © Mori Art Museum

L’arbre du monde : l’architecture comme lien

Dans un monde qui se fragmente, Fujimoto bâtit des ponts.

Son architecture est l’inverse du brutalisme : elle respire, elle laisse passer le vent, la lumière, les voix.

Il parle d’“open boundaries”, de frontières qui devraient être closes mais qui demeurent ouvertes. Il parle de “many many many”, cette multitude d’éléments, de volumes, de fonctions qui composent le tissu d’un lieu vivant.

Regardez L’Arbre Blanc à Montpellier : une tour, oui, mais hérissée de balcons-feuilles, d’extensions, de branches humaines. On y habite comme dans une cime partagée. Regardez House NA, cette maison-transparence de Tokyo : un empilement de plateaux où les habitants se voient sans se confondre.

Une architecture de la porosité et du tact, à l’image également du très haut degré civilisationnel de la culture japonaise. 

L'Arbre Blanc (The White Tree) 2019 Montpellier, France Photo: Iwan Baan
House NA 2011 Tokyo Photo: Iwan Baan

Fujimoto refuse la clôture moderne, cette volonté d’aseptiser le réel.

Ses bâtiments sont des espaces de relation : entre l’homme et la lumière, entre le privé et le commun.

Il construit des lieux de lien, ce mot que la modernité a perdu et que Fujimoto redonne au béton, au bois, au verre, une fonction poétique.

Là où l’Occident a souvent opposé nature et culture, Fujimoto dessine une cosmogonie japonaise : celle du mélange, du passage, du sacré discret.

Ses architectures sont plus que des objets : ce sont des écosystèmes.

Rétrospective Sou Fujimoto, L'architecture comme forêt de civilisation. Photo : Tayama Tatsuyuki © Mori Art Museum
Rétrospective Sou Fujimoto, L'architecture comme forêt de civilisation. Photo : Tayama Tatsuyuki © Mori Art Museum
Rétrospective Sou Fujimoto, L'architecture comme forêt de civilisation. Photo : Tayama Tatsuyuki © Mori Art Museum

La canopée du futur : la civilisation à reconstruire

Le projet Resonant City 2025, présenté dans son exposition au Mori Art Museum, prolonge cette vision.

Une cité sphérique : architecture-planète, organisme habitable, utopie douce.

Rien de brutal, rien de totalitaire. Le futur selon Fujimoto n’est ni dystopie ni technolâtrie. Il est organique et collectif.

Rétrospective Sou Fujimoto, L'architecture comme forêt de civilisation. Photo : Tayama Tatsuyuki © Mori Art Museum

L’exposition “The Architecture of Sou Fujimoto: Primordial Future Forest” le dit clairement : son œuvre n’est pas une rétrospective, mais un manifeste.

“Créer des lieux où se tissent les relations entre les hommes et la nature” dit-il.

L’architecture redevient un art de civilisation, non pas dans la grandeur ostentatoire, mais dans la gentillesse du geste.

The Grand Ring for Expo 2025 Osaka, Kansai, Japan 2025 Photo courtesy: Japan Association for the 2025 World Exposition

Dans un siècle qui s’effondre sous la vitesse et la technologie, Fujimoto rappelle que le futur commence par une forme d’humilité.

Il réintroduit le temps long, la beauté utile, la poésie du réel.

Au fond, Sou Fujimoto bâtit moins des maisons que des civilisations miniatures.

Et dans cette époque de dissolution, elles se dressent comme des arbres.

INFORAMTIONS

ARCHUTECTE : Sou Foujimoto

EXPOSITION : The Architecture of Sou Fujimoto: Primordial Future Forest

LIEU : Mori Art Museum

DATES : 2 juillet – 9 novembre 2025

CURATORS : Kondo Kenichi & Tsubaki Reiko

PHOTOS :Tayama Tatsuyuki / Mori Art Museum