Pour répondre au « Mon gamin de 2 ans peut aussi le faire » du paradigme de l’art contemporain, actualisation et prolongation avec Nathalie Heinich
Pour cette troisième Codex Conversation, Nathalie Heinich s’intéresse à la sociologie de l’art contemporain et plus particulièrement à sa définition comme paradigme.
Nathalie Heinich, une sociologue de l’art
Chercheur depuis 1986 et sociologue au CNRS, Nathalie Heinich a travaillé sur des objets comme l’identité, les valeurs et l’art. Pour son ouvrage « Le paradigme de l’art contemporain » de 2014, elle a emprunté la grille de lecture de Thomas Samuel Kuhn dans « La structure des révolutions scientifiques ».
La réflexion de ce philosophe, homme de science et sociologue, se base sur le constat que les progrès scientifiques s’effectuent par révolutions. Plus largement, le paradigme est donc un modèle inconscient qui structure les pensées. Nathalie Heinich recherche si ces critères, ces paradigmes historiques, s’appliquent aussi pour l’art. Conclusion : l’art contemporain est bel et bien un nouveau paradigme.
Définir l’art contemporain
« L’art contemporain rompt avec l’art moderne et non avec l’art classique ». Il ne s’agit pas seulement d’une période mais surtout d’une question de genre. On comprend que l’œuvre contemporaine peut s’éloigner des canons de beauté de l’art classique. En ce cas, l’art contemporain démontre que l’œuvre doit avant tout exposer l’intériorité de l’artiste. Nathalie Heinich apporte une définition de l’art contemporain en le réinsérant dans son contexte.
Le « ready-made » de Duchamp devient alors la préhistoire de l’art contemporain. L’œuvre est révélatrice de ce paradigme dans une vision de l’art où l’œuvre n’est plus l’objet mais plutôt l’idée proposée.
Peu à peu, l’art contemporain renverse les codes de l’art moderne, en modifiant les médiums. Il ne s’agit plus seulement d’un pinceau et d’un artiste mais de performances, d’installations, de vidéos…
L’histoire de l’art contemporain
La sociologue expose une frise des grandes dates de l’art contemporain. On passe de l’exposition du vide de Klein dans les années 1950 à l’arte povera en Italie une décennie plus tard, puis au prix de la Biennale de Venise attribué à Rauschenberg en 1964, pour avoir des propositions croissantes dans les années 1970 et enfin dans les années 1990, une mondialisation de l’art contemporain à travers une extension dans les pays émergents.
Amalgames et querelles de l’art contemporain
Quelle est la querelle de l’art contemporain ? Une dispute à l’intérieur de la gauche, qui se trouvait et se trouve encore aujourd’hui loin d’une bataille entre figuration et abstraction, comme c’était le cas entre l’art moderne et l’art classique.
Nathalie Heinich brise ainsi les amalgames sur le monde de l’art contemporain, constatant que les médias n’en exposent qu’une partie. Ce monde ne se réduit pas seulement à un marché aux prix exorbitants, il est surtout constitué d’artistes peu reconnus vivant souvent dans une situation précaire. Il y a donc une véritable spéculation à propos du monde de l’art.
La sociologue explique la séparation entre les foires du secteur privé et les biennales. Elle interroge l’opposition entre le « régime de singularité », qui perçoit positivement ce qui est original, innovateur et personnel, et le « régime de communauté », qui voit l’intérêt dans ce qui est commun et conventionnel.
Pour finir, Nathalie Heinich questionne le discours de l’artiste contemporain et l’importance qu’a l’explication de l’œuvre dans ce nouveau paradigme.