Pour Matty Mo (de son vrai nom Matthew C. Monaham) c’est tout simplement lui-même.
Cette question étant restée sans réponse, Matty Mo a décidé d’être « The Most Famous Artist » dès 2013. Mais qu’est-il arrivé pour que ce dernier, entrepreneur et investisseur dans les tech startups, soit devenu en quelques années une figure (ou phénomène) artistique d’ampleur internationale ?
Tout simplement la publication d’une vidéo sur les réseaux dans laquelle Matty Mo, après une fête sur une plage en Inde, totalement ivre, semble avoir perdu son identité. Sa carrière de business man ruinée, c’est dans l’art que Matty Mo trouva son salut ! Résolument outsider, « The Most Famous Artist » a forgé sa marque artistique sur Internet. Paradoxalement, internet est à la fois le destructeur et le créateur de « TMFA », Matty Mo le reconnaît lui même : « The Internet was started by the US Military in the 1960s as a response to the Cold War. Much of the modern Internet’s innovation is linked to porn consumption. The Internet has envolved to connect everyone with the world’s information. And, because of the Internet, I will become The Most Famous Artist »
Matty Mo est également devenu curator et collectionneur, donnant à son tour naissance à de jeunes artistes contemporains américains, outsiders comme lui de l’art officiel.
L’homme qui valait 165’000 followers sur Instagram
165’000 abonnés, rien de moins ! Et le tout avec très peu de publications au compteur : The Most Famous Artist possède actuellement 4 comptes actifs, mais à y regarder de plus près sur le sien, il est l’auteur de seulement 26 posts.
La clef de ce succès ? La marque « TMFA » que l’auteur applique sur chacun de ses posts en s’appuyant sur la pratique du « repackaging » : la reprise d’œuvres déjà existantes dont le filtre d’Instagram devient la signature de l’artiste « @THEMOSTFAMOUSARTIST ». A signaler que TMFA va faire son marché aux puces en achetant à un prix dérisoire des toiles sur lesquelles il tague son nom. Chaque post devient ainsi un repost d’une œuvre existante comme par exemple celle des « dipped paintings » littéralement « peinture-trempée » d’Oliver Jeffers. Cette technique a l’atout de le faire connaître rapidement. TMFA a créé son écosystème transformé en marché public où l’abonné peut être un acheteur.
Sa page Instagram est l’archive de ses œuvres, un mur en constant renouvellement, à l’image des arrière-plans de selfies. L’artiste s’est donc totalement approprié les caractéristiques de l’application à des fins artistiques ; il post, repost et tag. Cependant, le plus souvent TMFA est obligé de supprimer ses publications.
Problème avec les artistes que TMFA « copie » pour cause de plagiat ? Compte signalé ?
Technique de clean de son compte ? Ou mise à jour régulière de ses projets ?
Éphémère est le bon mot pour appréhender la communication et les actions artistiques de « The Most Famous Artist ». L’usage d’Instagram reste intrigant mais on peut considérer, à juste titre, qu’Instagram est bien la maison mère de l’artiste, où tout a commencé. Les publications y sont régulières. Sa dernière exposition « Artifical Intelligence, The End of Arts As We Know It » date du mardi 27 juin 2017 et ne dura qu’une seule journée à la McLoughlin Gallery de San Francisco ! Les posts Instagram indiquaient la mise à prix des oeuvres : 500$. Un rapide tour sur le site de TMFA, un lien vous conduisait vers une interface réunissant toutes les oeuvres réalisées pour l’occasion (paiement par carte accepté). Cette organisation est efficace, pour preuve tout est « SOLD OUT ».
Le type de publication d’Instagram de TMFA comprend des photos de ses oeuvres avec un texte informatif assez court, des photos de ses installations et de TMFA ! On est face à un suivi quasi quotidien de son actualité, dernières oeuvres réalisées, vues de ses « installations » artistiques et projets en cours.
Ses trois autres comptes sont très peu actifs cependant ! Par exemple, celui de son agence personnelle « The Mural Agency » n’a même pas 2000 followers ! « The Mural Agency » peut être considérée comme une agence de communication qui, en collaboration avec des sponsors et des curateurs, offre un service de création et d’installation d’expérience « instagramable » ! Le coup de pub est assuré. Pour exemple, son dernier projet – temporaire – dans le quartier de Pico à Los Angeles a comptabilisé des milliers de visiteurs grâce aux trois maisons vouées à la destruction, que l’équipe de TMFA a repeintes de fond en comble en rose flashy ! Les instagrammeurs s’en sont donnés à coeur joie sur les réseaux sociaux. Sur la page de son site personnel, le court texte indique la transformation de Matty Mo en The Most Famous Artist. Un mail permet de s’inscrire au TMFACLUB, site qui propose aux collectionneurs une œuvre d’art originale tous les jours par mail et par Instagram, mais aucun mail n’est envoyé…
Internet, meilleure galerie au monde ?
« Turn it off, I’m getting naked » telle est la dernière phrase que Matty Mo aurait prononcé avant de devenir « The Most Famous Artist ». Il est finalement un artiste entrepreneur, sans aucunes formations artistiques – disant lui-même ne pas savoir peindre – il est en dehors du système conventionnel du monde de l’art ! Sans galerie et soutien institutionnel, TMFA agit dans la rue ou dans des lieux non artistiques, qu’il s’approprie. Toute sa gloire, TMFA la doit à sa communication digitale savamment orchestrée. En plus d’Instagram, on le retrouve sur Facebook, Youtube et Snapchat.
Sur Facebook, on retrouve le profil de Matty Mo très actif et la page de « The Most Famous Artist ». Les deux communiquent en parallèle, les mêmes informations sont reliées. TMFA a pensé à tout, un encart en haut à droite vous permet d’acheter une oeuvre ! Paiement par carte accepté.
TMFA est présent également sur Youtube, sa page ne contient que deux vidéos qui sont cependant très précieuses en terme d’informations. La première est une discussion avec Stefan Simchowitz au Museum of Fake Art (créé par TMFA), et la seconde, un condensé des projets artistiques de TMFA sur l’année 2016-2017
On se demande donc : à quand Twitter ?
On peut également noter le fait que TMFA peut compter sur les médias pour relayer son travail (Ex: Buzzfeed, Elite Daily ou encore Vice) ! Le nombre d’articles écrits sur sa pratique est en constante croissance, cela lui permet d’accroître sa renommée mais aussi de démocratiser davantage son oeuvre en touchant tous les publics ! Son but étant de devenir « an architect of culture for generations to come ». Affaire à suivre.
Au-delà d’un simple usage pour sa communication digitale, les nouvelles technologies sont également génératrices de son oeuvre !
Présentée du 3 au 14 mars 2017 à New York, l’exposition « Happy Birthday » est un coup de pub magistral. Ce sont les internautes qui ont fait les œuvres, TMFA ayant demandé sur Instagram à ses abonnés de lui envoyer une photo anonyme d’eux nus. Surprise : plus de 500 photos lui sont parvenues ! Le prix de départ de 200$ a fait la joie des acheteurs qui étaient au rendez-vous. Cette exposition est significative de sa démarche artistique : « If an artist is to be a mirror to the world, I am just showing everyone what we look like online » Matty Mo, TMFA. Savante mise en abîme qui expose à notre regard la banalité – parfois honteuse – des images défilant quotidiennement sur Internet.
En somme, la communication digitale créée par The Most Famous Artist est révélatrice d’une nouvelle génération d’artistes usant des outils numériques dans une logique d’auto promotion et d’entrepreneuriat ! Internet est l’interface où un artiste peut se faire connaître, vendre et créer sa propre image, son passeport pour résumer. Le marketing se fait indépendamment de toutes structures. Ce luxe d’émancipation, TMFA l’use à souhait, détournant les codes grâce à la connaissance parfaite des outils. Il est un exemple à part entière.