Pour son troisième et dernier volet consacré à la trilogie « Big data » et marché de l’art, on vous propose une interview d’Adeline Pilon, co-fondatrice et CEO de la société Happening Arts et récente cliente de nos services.
THE FARM : Adeline, peux-tu te présenter brièvement à nos lecteurs ?
Adeline Pilon : j’ai 28 ans, je travaille à Paris. Mon parcours professionnel se situe au croisement de l’art et de la finance. En ce qui concerne mes études, je suis diplômée d’un Master in Management Grande École de l’ESCP. Je suis également titulaire d’un Master of Business de la Shangai Tongji University. Par ailleurs, j’ai suivi des cours en histoire de l’art à l’École du Louvre, et effectué un passage à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale. En parallèle à ce cursus scolaire, je me suis attachée à acquérir le plus tôt possible une expérience professionnelle en cohérence avec mes objectifs. Côté finance, j’ai notamment travaillé en banque d’affaires chez Neuflize. Pour l’aspect art, j’ai travaillé outre-Atlantique à la galerie Samuel Lallouz (Montréal, Canada) en tant que curateur. J’ai également été manager chez A&F Market (sans prononcer le nom de l’AMA, si c’est gênant on ne dit rien tout court).
THE FARM : Qu’est-ce que le concept Happening Arts ?
Adeline Pilon : le concept Happening repose sur une double identité. Il y a deux aspects qui sont à la fois différents et complémentaires. Tout d’abord, l’aspect médiatique : Happening est un journal en ligne qui présente l’actualité du marché de l’art et de la culture. Notre équipe de rédacteurs fournit un contenu quotidien de qualité. Celui-ci est rédigé en anglais pour toucher un public international. Cette activité est importante, mais en réalité, le cœur de notre activité réside dans le second aspect : le recueil et l’analyse de données liées au marché de l’art. En plus des rédacteurs, nous employons ainsi des ingénieurs chargés de récolter et de traiter de nombreuses informations concernant ce secteur.
THE FARM : Comment t’es venue l’idée de fonder Happening ?
Adeline Pilon : à mes yeux, tout est parti d’un simple constat : la technologie constitue le chaînon manquant nécessaire à la coordination du marché de l’art et de la finance. Les perspectives qui s’ouvrent en la matière sont très prometteuses. Les deux domaines peuvent s’enrichir mutuellement pour un meilleur développement sur le long terme. En se positionnant sur ce marché d’avenir, la société Happening Arts entend ainsi devenir un acteur décisif des évolutions majeures.
THE FARM : Peux-tu nous en dire plus sur l’aspect « big data » de la société, qui nous intéresse ici ?
Adeline Pilon : le traitement des données s’organise en trois étapes essentielles : la récolte, le recueil et l’analyse. En ce qui concerne la récolte de données, Happening dispose de trois sources principales. Il y a d’abord une collaboration engagée avec diverses bases de données. Nous sommes également en relation avec de nombreux collaborateurs, installés dans les hubs principaux du marché de l’art à l’échelle mondiale (Londres, New York, Hong-Kong, Paris…). Ces partenaires sont des professionnels du secteur (experts, conservateurs, galeristes). Ils nous font parvenir de nombreuses informations en provenance directe du marché. Enfin, nous effectuons aussi une captation de données libre, notamment par voie de presse et de veille Internet. Toutes ces données sont recueillies et analysées à Paris en vue de leur exploitation.
THE FARM : Quelle utilisation est faite de ces données ?
Adeline Pilon : concrètement, nous allons lancer deux produits. Le premier, « Artist Profiles », sera bientôt disponible. Le principe est simple : il s’agit de permettre l’accès instantané au plus grand nombre possible d’informations sur une œuvre ou sur un artiste grâce à une application. Cela permettra de répondre à un besoin qui concerne non seulement les professionnels, mais également les amateurs d’art au sens large du terme. Le deuxième projet, « Value my artwork », sera lancé plus tard. Il complètera et enrichira le premier en ce qui concerne l’estimation des œuvres. Mais je n’en dis pas plus pour l’instant…
THE FARM : Quand sera-t-il possible d’utiliser « Artist profiles » ?
Adeline Pilon : nous procèderons bientôt au lancement officiel de l’application. Aujourd’hui, ARTIST PROFILES est accessible à un cercle restreint de premiers clients, et très vite nous le rendrons accessible à tous.
THE FARM : On sait que la récolte de données est pour le moins difficile dans le marché de l’art (notamment en ce qui concerne la part du gré à gré). Quelle est la valeur ajoutée d’Happening sur ce point ?
Adeline Pilon : quand on aborde le sujet du big data, il existe en fait une difficulté essentielle : celle de la définition. Par essence, parler de « données » est assez vague. Dans la pratique, les qualités associées à ce terme peuvent sensiblement varier. Or, le fait est qu’il existe en effet des données difficiles à capter sur le marché de l’art. Par tradition, il s’agit d’un milieu relativement discret. Notre stratégie de data mining permet de récolter des données accessibles (résultats publics de ventes, chiffres d’affaires, expositions, galeries). Mais elle permet également de recueillir des données indirectes, qui permettent d’élaborer des analyses fiables et complètes. Grâce à l’étude de nombreuses variables, il devient ainsi possible de comprendre la carrière des artistes, le parcours des œuvres, et l’évolution du marché au fil des années. Aujourd’hui, grâce à son réseau de professionnels et au travail diligent d’historiens de l’art, Happening propose un accès à de nombreuses données sur l’ensemble de la production artistique des XIXe / XXe siècles. Soit environ 100 000 artistes. À lui seul, ce segment représente 80% à 85% du marché actuel. La valeur ajoutée d’Happening réside précisément là : dans notre capacité à centraliser une information complète de qualité à la demande.
Interview par Nicolas Laurent